mercredi 20 juin 2012

"AU COEUR DE LA SEXUALITE MERINA : Un regard anthropologique"

Madagascar anthropolojika vous présente un compte rendu de lecture fait par J. P. D., historien, membre de l'académie malgache et non moins zanatany, d'un ouvrage clé pour comprendre sur un sujet et objet de recherche quelque peu délicat : la sexualité. à travers le vécu social et les dires constatés au sein d'une société malgache contemporaine des hauts plateaux, un terrain anthropologique au coeur d'un espace social rural, porte d'entrée vers la capitale : cas mérina. RAKOTOMALALA Malanjaona, « De la théorie à la pratique », in M. RAKOTOMALALA, A cœur ouvert sur la sexualité merina. Une anthropologie du non-dit, Paris, Karthala, 2012, 525 p. (Terrain - Madagascar) SEXE, LANGUE ET SOCIÉTÉ EN IMERINA RAKOTOMALALA Malanjaona, « De la théorie à la pratique », in M. RAKOTOMALALA, A cœur ouvert sur la sexualité merina (Madagascar). Une anthropologie du non-dit, Paris, Karthala, 2012, 525 p. "Il est, en histoire et en anthropologie, des sujets que l’on ignore et d’autres que l’on préfère occulter. Sujet que l’on ignore, celui de la natte ou du lit avec matelas, voire des trottoirs de tunnel où l’on fait son lit sur des emballages en carton, alors même que tous les hommes et les femmes y passent le tiers du temps qu’ils vivent sur cette terre. Sujet que l’on préfère souvent occulter, celui de la sexualité, qui est pourtant une activité que tous les humains – ou presque tous – ont en partage. Cela est particulièrement vrai de Madagascar du fait de cette « identité chrétienne » avec le puritanisme et la pudibonderie protestante et évangélique ambiante. Du côté catholique où l’on n’a pas renoncé à contrôler les activités sexuelles, avec ses périodes ou ses jours où l’acte sexuel est prohibé – fady dirait-on en malgache –, ce sont plutôt les membres du clergé qui les étudient en conclave fermé pour en faire le fondement de leurs interrogations au confessionnal. C’est pourtant un sujet auquel, depuis un excellent travail sur Les Tsilokàna du Vonizongo (1982), un anthropologue malgache de haut niveau a consacré l’essentiel, semble-t-il, de son temps de chercheur. Il connaît – sa bibliographie en atteste – les anthropologues renommés qui en ont écrit : Bronisław Malinowski sur les îles Trobriand, Margaret Mead sur Samoa, mais aussi Mary Douglas, Georges Balandier, Roger Bastide. Sur Madagascar, il utilise Le repas et l’amour chez les Mérinas de Jean Paulhan qui fit de très fines observations à Antananarivo entre 1907 et 1910, et les travaux récents de Jennifer Cole et d’Eugène Mangalaza, ainsi que des mémoires de fin d’études faits par des étudiants de l’Ecole Normale Supérieure, de l’Université et de la Faculté de Théologie Protestante d’Ambatonakanga. C’est donc un sujet qui intéresse beaucoup de nos jeunes contemporains. Le travail de Malanjaona Rakotomalala sur, écrit-il p. 174, « l’amour physique avec ses normes culturelles, sociales, mais aussi ses techniques » et, ajouterais-je, sa symbolique, n’est pas un traité pratique comme le Kamasoutra ni l’œuvre d’un ethnologue de cabinet qui se serait contenté des opuscules de Ranaivoson vendus sur les marchés et dans les stations de taxi-brousse au début des années 60 et réédités dans les années 90, car la sexualité fut et reste un sujet dans l’activité éditoriale, et aujourd’hui sur internet un sujet de forums. C’est le travail d’un scientifique de terrain qui observe les faits, recueille les témoignages et les note avec précision. Pour un domaine aussi particulier, je n’oserai pas parler d’ethnologie participante – ce qui risquerait d’induire le lecteur en erreur. Il y a ajouté le travail d’enquêteur et de consultant dans les études préliminaires aux campagnes de lutte d’abord contre les maladies vénériennes sexuellement transmissibles, puis contre le sida. Le travail aussi de recherche sur internet où l’anonymat des prises de paroles permet de faire surgir à la vue de tous les internautes ce que la plupart n’aurait pas osé exprimer oralement devant de tierces personnes. Des décennies de recherche sur un tel sujet sur lequel on n’écrit pas, c’est donc une anthropologie du non-écrit plutôt que du non-dit, puisque c’est un sujet dont tous les jeunes parlent beaucoup. Et quelle somme de vocabulaire y ai-je appris ! Je suis certain d’ailleurs de ne jamais avoir à l’utiliser. Mais il ne convient pas que le lexicologue en juge en fonction de lui seul, mais en fonction de la communauté qui parle la langue. Un dictionnaire est aussi un ouvrage que l’on lit, mais les dictionnaires des missionnaires, ceux de Webber, de Richardson et d’Abinal et Malzac n’offrent que peu d’entrées aux adolescents qui cherchent à connaître du sujet. Et encore leurs définitions sont dans cette langue quasi secrète qu’est aujourd’hui le latin. Richardson traduit en anglais lataka et rozaroza par membrum virile. Mieux que le recours au latin, le Freeman (1835) n’avait ni vagina ni anus comme entrée. Quant au Johns (1835), il n’avait que l’entrée anus avec fory comme traduction. Tout dictionnaire est en lui-même une encyclopédie. Dans le Gaffiot de mes années de latiniste, on pouvait apprendre beaucoup de choses et, par exemple, quand on avait trouvé l’entrée futare, verbe du premier groupe, on comprenait pourquoi les parents nous interdisaient d’utiliser le verbe « foutre » et de dire « je m’en fous » – une expression d’usage courant dans le français de Madagascar. Quant au Rakibolana-Rakipahalalana de l’Académie (2005), si, par exemple pour le vagin, il donne une masse de mots tirés des dialectes et chaque fois renvoie sous le nom de kindy à une entrée principale. Mais cette entrée n’existe pas, comme si un mauvais esprit bien puritain l’avait censuré au dernier moment. Comme si la Civilisation à initiale majuscule avait fait disparaître dans la capitale les mots qui continueraient à exister dans la sauvage périphérie ! Le lexicologue aurait-il un droit de réserve, quand il s’agit du domaine de la sexualité ? Par curiosité, j’ai consulté le petit dictionnaire Larousse-Chambers que j’ai installé sur mon ordinateur. On y découvre des mots comme sodomie, fellation et bien d’autres dont je ne pense pas trouver les équivalents dans notre dictionnaire académique. Le lexicologue ne sera pas toujours d’accord avec Malanjaona Rakotomalala, ni avec Narivelo Rajaonarimanana (Dictionnaire du malgache contemporain, 1995) qui pose la même distinction. Personnellement, je ne comprends pas que, pour lui, fory soit le bon mot pour sexe féminin et que kindy soit péjoratif. C’est un vocabulaire que j’ai appris sur les planches anatomiques qui historiaient les tables des élèves de collèges et lycées en classe de quatrième et de troisième de Vohémar au nord à Fort-Dauphin au sud et de Brickaville à l’est à Morondava à l’ouest entre 1967 et 1972. Partout, kindy était bien par devant et fory par derrière. Bien sûr, le traduisant par « vagina », Richardson, pour qui fory est toujours traduit par « anus » – mot d’origine austronésienne –, donne kindy pour un mot très général mais « vulgar ». Entre vulgaire qui indique le milieu où le mot est utilisé, et péjoratif qui en connoterait le sens, la distance est énorme. L’interprétation de Malanjaona devrait être prouvée et ne pas se contenter de poser une affirmation. Les civilisateurs en auraient conclu au flou du vocabulaire malgache ou à l’inconsistance des connaissances de ses locuteurs. Mais peut-être y aurait-il là un point de détail important à préciser dans la sexualité d’Imerina. Devrait-on envisager la généralité de la sodomie ? Autres points de détail que je ne saurais oublier : – Bozaka aman’ahitra, « herbes et broussailles » ne saurait à mon sens se traduire par « populace » (p. 65), sauf pour quelques jeunes super-diplômés qui méprisent le petit peuple. Ray bozaka aman’ahitra, terme de respect dans un discours autrefois adressé au peuple, avait encore des usages littéraires, à ce que je sais, au début du 20e siècle. C’est une symbolique sociale que l’on retrouve dans le monde austronésien jusqu’à Hawaï. Le peuple est symbolisé par l’herbe et les andriana par le bois et l’arbre. En dérive sous Radama Rainy le choix du mot voninahitra pour les militaires et officiers enrôlés dans l’armée des Foloalindahy qui devaient servir l’Etat de façon viagère. Folovohitra, Zanadralambo et Andriamasinavalona, ils étaient le vony des ahitra, le dessus ou le haut du peuple. C’est le mot vony que l’on trouve dans voniafo pour désigner le comble ou vatra qui est au sud-est de la maison traditionnelle. Que l’on retrouve aussi dans ambony. – Loza est traduit par « danger » et mandoza par « provoquer un danger » (p. 447). Loza est plus fort que « danger ». C’est vraiment un malheur comme pour l’inceste ou comme pour le Milaloza des contes, qui est ce jeune prince qui cherche le malheur. Mandoza, c’est « pratiquer l’inceste », mais s’il provoque un malheur dans le peuple, il est autorisé pour le souverain. – Manondrana, c’est plus que « passer outre » (p. 449). Le rituel de l’ala ondrana, rituel de déparentage, enlève la parenté entre un garçon et une fille pour qu’ils puissent se marier sans crainte. Il enlève le malheur que provoquerait l’inceste. Cf. l’excellente description d’un rituel par V. Ramanandraibe («Ny alaondrana any Vohimasina», Dago, n° 3, 1997, p. 15). – Milomano « nager » (p. 457) serait « dans le domaine de la sexualité, une expression réservée exclusivement au personnage royal (roi ou reine), lorsqu’il (ou elle) était en train de choisir un(e) partenaire ou d’avoir une relation sexuelle ». C’est beaucoup trop diminuer la pratique des relations au sein des seuls groupes statutaires. Les Andriamasinavalona avaient traditionnellement le privilège du milomano amin’Imerina, qui les autorisait à des relations sexuelles et des alliances dans toute l’Imerina – privilège qui fut ensuite étendu à toute la Grande Ile à partir du Royaume de Madagascar au 19e siècle. – Lanja basin’Anglisy («port de fusil à l’anglaise»), p. 416) se référerait plutôt à un des types de fusils (les Angalisy) de l’arsenal royal du 19e siècle. – La femme enceinte a des « envies » que son époux doit satisfaire. J’ai toujours reçu ce mot comme étant ratsiaina (Richardson, 1885). Il est récemment devenu ratsiana dans Rajaonarimanana (1995) et dans le dictionnaire de l’Académie (2005). Chez Malanjaona, l’on trouve maintenant ratsìna. J’aurais besoin d’être éclairé, car je pense toujours que ratsiaina est mieux en accord avec les idées anciennes concernant la conception et la grossesse (Cf. Domenichini, La première coupe de cheveux…, 2011). La modification en ratsiana ou ratsìna, que l’étymologie populaire assimilerait à un fanafohezana, tend donc à occulter la nature véritable de la philosophie malgache de la vie. – Corriger aussi la référence bibliographique du Repas et l’amour chez les Mérinas qui, si le texte fut écrit par Jean Paulhan (1884-1968) soit à Madagascar soit peu après son retour en France, ne fut publié par Fata Morgana qu’en 1971. C’est donc une publication posthume qui n’est pas indiquée dans la bibliographie chronologique des Ouvres complètes (Cercle du Livre Précieux, 1970, vol. 5). La publication de 1913 est celle des Hain-Tenys mérinas et non du Repas et l’amour chez les Mérinas. – Pour tsirin’aina (p. 482), il faut modifier la « précision » donnée par l’ouvrage qui écrit : « pour être plus précis, on dit : tsirilahy, («bourgeon mâle»), et tsirivavy («bourgeon mâle») ! La question de la zoophilie, l’auteur l’aborde en plusieurs endroits de son ouvrage. Comme on doit le savoir, les témoignages d’auteurs étrangers sont confirmés par les textes les plus officiels des souverains, qui inscrivent dans les codes qu’ils proclament à leur avènement, la « bestialité avec la vache » – mandry aman’omby – parmi les crimes les plus sévèrement punis : par la réduction en esclavage et la confiscation des biens dans le code de Ranavalona Ire en 1828 (article V), par la décapitation du coupable, la réduction en esclavage de sa femme et de ses enfants et la confiscation de leurs biens, qu’ils soient Andriamasinavalona ou simples Ambaniandro, par Rasoherina en 1863 (article 1). La condamnation de cette forme de zoophilie était donc bien officiellement reconnue avant que l’on puisse parler d’influence chrétienne. Rien de tel avec la zoophilie canine. Et je ne saurais approuver ce qu’en dit l’ouvrage : la prohibition de la zoophilie avec les chiens serait-elle « l’interdit suprême » (p. 23) ? Le chien serait-il « l’animal impur » par excellence (p. 64) ? Se trouverait-il « au bas de l’échelle animale en Imerina (à Madagascar, en général) » (p. 254) ? Quoiqu’il aborde rapidement le statut particulier du chien, l’auteur reprend les considérations d’un anthropologue (VELONANDRO (éd.) et alii, L’origine des choses. Récits de la Côte Ouest de Madagascar, 1991) qui, négligeant de se resituer du point de vue austronésien, donne comme « norme officielle » à Madagascar ce qui n’est que son aversion personnelle et constatée à l’égard de cet animal. Dans la culture malgache, le chien a une longue histoire dans laquelle l’influence arabe des 13e et 15e siècles a mis du désordre. En milieu andriana traditionnaliste, le chien est protégé des jets de pierres et des coups de pied (ny alika tsy azo torahana, ny alika tsy azo dakàna). Dans le Vakinisisaony que je connais un peu, le chien est l’objet d’une initiation particulière des enfants pour les amener à le respecter. Le Vonizongo, nord-ouest de l’Imerina et terrain de prédilection de Malanjaona, aurait-il été plus marqué par l’influence arabe que le Vakinisisaony, sud-est de l’Imerina où, à côté des tombes andriana, on trouve des fasan’alika, des tombeaux de chiens ? Le laconisme des définitions de l’ouvrage – sans démonstration et sans aucun petit fait vrai – ne permet que de poser la question. Il est vrai toutefois que la seule fois où il est question de femmes qui seraient des « chiennes en chaleur qui errent » (note p. 32), c’est sur internet et sous la plume d’un Malgache qui ne puise pas ses références dans la culture malgache, mais sur des sites BDSM. J’ai de façon générale l’impression – c’est une impression, car je n’ai pas fait une analyse de contenu de l’ensemble de l’ouvrage – que, malgré un chapitre traitant d’une « situation dominée par l’image de la femme », l’orientation éditoriale est plutôt machiste. Des esprits chagrins et malgacho-malgaches s’inquièteront ou s’indigneront de l’image qui est donnée d’une grande partie de la société merina. Ils envisageront d’y voir une influence récente de l’Occident et de sa libéralisation des mœurs dont Madagascar serait la victime. S’ils le faisaient, ils se tromperaient. Au début du 20e siècle, Jean Paulhan avait recueilli quelque 600 hainteny et ohabolan’ny tanora. Il n’en a rien publié et en 1962, avait proposé à Bakoly de les publier dans une revue de médecine. Le projet n’a pas abouti. Mais je me souviens qu’il s’y trouvait environ 80 textes sur la façon de déféquer (mangery), sur l’union sexuelle (… ohatra ny soavalin-dRamahatrarivo, … comme les chevaux de Ramahatrarivo) et du vocabulaire technique comme atondra pour le sperme. Parce qu’il prend modèle sur un ohabolan’ny Ntaolo, qui dit : Mitsaha-pilana / toy ny mpanao valiha maty vady, je me souviens aussi de ce ohabolan’ny tanora qui affirme : Mitsaha-pilana / toy ny mpijangajanga voan’ny tety. On admettra avec moi, je pense, que les jeunes Malgaches n’ont pas eu à attendre le début du 21e siècle et la libéralisation occidentale pour parler de sexualité et de tout ce qui concerne la moitié inférieure du corps. Pour une partie où l’auteur ouvre vraiment son cœur, il me semble nécessaire de dire un mot de la présentation que Malanjaona fait des Andriantompokoindrindra et d’Ambohimalaza dont les coutumes ancestrales en matière de mariage seraient aujourd’hui contestées – excès de jeunisme chez l’auteur – par les jeunes de moins de 40 ans. C’est à tort que Malanjaona assimile Andriantompokoindrindra et Zanatompo. Même s’ils descendent du même grand ancêtre, les Zanatompo n’en forment qu’une partie dès le 19e siècle : ce sont ceux qui, dans l’ancienne organisation de la société, étaient à l’avenir destinés à rejoindre le peuple. Présenté comme conforme aux coutumes ancestrales, le lova tsy mifindra, qui réduit le choix d’un conjoint aux seuls descendants du grand ancêtre, était en fait le privilège qui tendait progressivement à les isoler dans la société et à préparer leur intégration dans les Folovohitra. Malanjaona voit dans l’ensemble des Ambohimalaza un groupe homogène parfaitement endogame et « victime de rejet de la part des autres Merina » (pp. 127-128). Manifestement, les sources de ses informations n’étaient pas de la meilleure qualité. Ayant fréquenté les Ambohimalaza depuis un demi-siècle, notamment dans le groupe descendant en primogéniture d’Andriantompokoindrindra, et ayant interrogé les généalogies, je sais que si les Zanatompo n’offraient aucune garantie de rester dans le sommet de la hiérarchie et n’étaient pas recherchés comme conjoint par ceux qui s’estimaient en faire partie, les Andriantompokoindrindra se sont fréquemment alliés aux Zanak’Andriana, aux Andriamasinavalona, aux Andrianamboninolona et aux Andriandranando. Des Andriamasinavalona que je connais, la plupart ont un ou des ancêtres de la meilleure qualité à Ambohimalaza. Le combat républicain de Malanjaona contre l’ancienne hiérarchie – c’est la part du cœur dans son ouvrage – est bien mal engagé. Par ses réseaux familiaux et par son absence répétée à Andafy, sans doute n’a-t-il pas assisté à beaucoup de funérailles, de famadihana – il y en a à Ambohimalaza – et de fêtes familiales où réapparaissent les généalogies. Il n’a pas compris, comme me l’expliquait Bakoly, que le lova tsy mifindra des Ambohimalaza est un moyen de trouver les alliances les meilleures à leurs enfants en dehors de ce vohitra. Ni compris que, pour certains Andriamasinavalona dont les ancêtres ont beaucoup « nagé dans l’Imerina » (milomano amin’Imerina), un mariage à Ambohimalaza était un moyen de redorer leur hasina. Sur cette question, je conseillerais de lire la thèse de RAZAFIARISON Aina Andrianavalona (Apports des traductions particulières dans la compréhension des successions royales merina (XVIe- XIXe siècle) Madagascar, 2011) lorsqu’elle paraîtra. Il n’en reste pas moins, comme me le rappelle Serge Rodin, que des familles andriamasinavalona conseillent à leurs enfants de ne pas se marier avec des descendants d’Andriantompokoindrindra et qu’au cas où une telle alliance est envisagée, la parentèle peut même intervenir pour la déconseiller. Dans cette opposition, c’est la peur des effets de la consanguinité des générations antérieures sur la descendance qui prédomine. Je me souviens aussi que sa famille déconseillait à une lointaine cousine andriamasinavalona d’épouser un Andriantompokoindrindra parce que, lui disait-on, les hommes de ce groupe ont l’habitude de battre leurs femmes. La question est donc loin d’être épuisée. Je suppose qu’à Madagascar, l’ouvrage de Malanjaona ne sera le livre de chevet ni des grenouilles de bénitier ni des punaises de sacristie. S’il entre dans une bibliothèque protestante, il y sera un ouvrage de second rayon, derrière Ny dian’ny mpivahiny, la traduction du Pilgrim’s Progress de John Bunyan qui continue à attiser la guerre de religion intra-chrétienne (à ce que je sais, dernière réédition par la Luthérienne en 1985). Dans les bibliothèques du clergé catholique, il remplacera les manuels de confesseurs du 18e et du 19e siècle, qui posaient toutes les questions sur les pratiques sexuelles qui, mieux que l’expérience, les faisaient découvrir aux fidèles innocents. Mais il a sa place dans la bibliothèque d’un lexicologue et de tout anthropologue et chercheur en sciences humaines, car la recherche scientifique se doit d’être d’une parfaite laïcité."